Alon(e) Alon(e)

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Alon(e) Alon(e) Alors que je m’apprêtais à partir pour un second séjour à Java en juillet 2005, Cristiano Carpanini (directeur du festival Dansem) m’a soumis l’idée d’une coproduction à la création d’une pièce avec un danseur indonésien.

Les germes d’ « Alon(e) Alon(e) » ont ainsi été semés. Après mes prestations au Yogyakarta Art Festival et au Yogyakarta Gamelan Festival, j’ai enseigné à Yogyakarta pour les danseurs de la Miroto Dance Company. Lors de ce stage, j’ai rencontré Sudiharto dont les qualités de danseur m’ont enthousiasmée, il a accepté de se lancer dans l’aventure d’un long séjour en France.

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A Java, la danse est indissociable de la musique, elle est écrite sur la musique de façon très précise j’ai donc décidé de travailler avec :

Ces deux musiciens sont des complices de longue date, ils se sont rencontrés à Paris lors des Banlieues Bleues où Sapto Raharjo jouait avec André Jaume en 1995. Depuis 1997, Alex Grillo a été invité à plusieurs reprises par les Centres Culturels Français en Indonésie pour des collaborations avec Sapto. La réputation de ce dernier n’est plus à faire en Indonésie, il est un des leaders de la création musicale contemporaine, nommé « Ambassadeur de la Culture » par le gouvernement, il organise de nombreuses manifestations dont le Yogyakarta Gamelan Festival et se produit régulièrement à l’étranger.

« La société javanaise est à structure concentrique autour de la montagne, du volcan, du sultan,… Dans le gamelan, c’est le gong Ageng qui est sommet de la montagne sonore comme le ciel, le paradis….. Les balinais conçoivent le déplacement spinal de la musique, le geste instrumental, et non l’absolu des intervalles…. Le gamelan est comme un grand clavier collectif et chacun des dix ou quinze musiciens est tel un doigt d’une même main…. » (Catherine Basset « Musiques de Bali à Java »).

Mon expérience de musicienne de gamelan m’a enchantée du fait de l’absence de leader. La relation d’écoute entre les musiciens est très fine et chaque musicien assume une part de la composition musicale qui n’a de valeur que située dans l’ensemble. Isoler un instrument ne correspond à rien, ça serait comme isoler un des doigts du pianiste. J’ai voulu garder cette qualité d’ensemble indissociable qui est d’après moi complètement représentative de la philosophie javanaise dans laquelle l’individu est moins important que le collectif.

Nous avons donc choisi d’entreprendre cette création comme une réelle collaboration lors de laquelle chacun a pu apporter sa contribution à l’élaboration du spectacle. Le rôle des interprètes s’est défini au fur et à mesure et la cloison entre danse et musique a vite cédé la place à la fluidité des échanges. Et bien sûr, nous avons choisi le gamelan comme instrument aucun autre ne pouvait mieux que lui nous donner l’unité recherchée. J’ai préalablement choisi les grands axes de ce qu’il me semblait important de traiter, pour ce faire je me suis inspirée des différences culturelles qui m’ont frappées lors de mes séjours en Indonésie. J’ai choisi de parler de choses très concrètes, qui puissent toucher à la fois le public occidental et le public oriental. Quelques échanges avec Alex Grillo ont permis d’affiner ces choix et le travail s’est engagé avec l’arrivée des artistes indonésiens. Une grande partie du charme de cette pièce repose sur la complicité ludique entre ses interprètes et leur relation directe avec le public.

La danse javanaise est très narrative et toujours en rapport à la cosmogonie, la narration n’a rien de psychologique, les codes de la gestuelle sont très précis, archaïques.
« La merveille, c’est qu’une sensation de richesse, de fantaisie, de généreuse prodigalité se dégage de ce spectacle réglé avec un minutie et une conscience affolantes…. Ces signes spirituels ont un sens précis, qui ne nous frappe plus qu’intuitivement, mais avec assez de violence pour rendre inutile toute traduction dans le langage logique et discursif. » (Antonin Artaud « Le Théâtre et son Double »)
« Le corps du danseur semble être mû directement par les sons tandis que passent sur son visage les émotions les plus vives, les plus contrastées » (Catherine Basset « Musiques de Bali à Java »).

Et si le danseur occidental s’occupait de cosmogonie et le danseur indonésien ….d’états d’âme… Nous avons pris comme principe de travail, comme matière à expérimenter, d’échanger les rôles, le danseur indonésien traite de ce qui paraît typiquement français et la danseuse française de ce qui paraît typiquement indonésien.

Par exemple, à Bali, la danse kecak (lire ketchak) trouve son origine dans un rituel très ancien, la danse Sang hyang dans laquelle les danseuses entrent en transes et communiquent ainsi avec les dieux ancestraux. Ce travail sur la transe a été traité par la danseuse française.

J’ai été très touchée pendant mes séjours à Yogyakarta par l’entre aide chaleureuse et souriante qui règne làbas. Ils sont pauvres mais nombreux et solidaires. En France, nous sommes riches (du moins c’est ce qu’il semble depuis làbas) et seuls. Nous avons abordé le sujet de la solitude et de la promiscuité.

A Java, tout comme la solitude, le silence n’existe pas. Les indonésiens, que j’ai côtoyés, sont capables de dormir partout quelque soit le niveau sonore environnant. Parfois, dans les endroits trop calmes, ils sont obligés de laisser l’omniprésente télé en route toute la nuit pour pouvoir dormir ! Je n’ai trouvé aucun endroit silencieux làbas, ce qui ajoute à la sensation de multitude humaine et de promiscuité, tout cela avec beaucoup de nonchalance et un éclatant sourire. Nous avons travaillé sur le silence ou son absence, jusqu’au point où le silence touche à la notion d’écoulement du temps que peut avoir le public.

Un autre point que j’aimerai aborder est la notion d’intérieur et d’extérieur, qui elle aussi est très différente d’ici. Par exemple, les danseurs de la Miroto Dance Company, qui ont suivi mon stage au studio Tari Banjarmili, entraient dans le studio avec leurs motos et repartaient en démarrant les motos dans le studio. La clémence du climat permet qu’il y ait de grandes ouvertures, souvent les murs et les fenêtres sont remplacés par du grillage fin simplement en protection contre d’éventuels vols, on est dedans mais on est dehors, d’où les motos ! Par contre, on se déchausse systématiquement, on est dehors mais on est dedans ! On se déchausse dès qu’on passe la marche d’un symbolique espace intérieur, comme, par exemple, en entrant dans les très beaux halls réservés à la pratique du gamelan et de la danse et complètement ouverts. Les séances de répétition y sont très animées du fait des visites de passants curieux. Les indonésiens sont d’ailleurs capables d’une très grande concentration malgré les va et vient périphériques. Ils ont une capacité extraordinaire à plonger dans les choses qui permit mon enchantement en tant que pédagogue, de très intenses moments.

Donc intérieur extérieur… Cette délimitation de l’espace s’accompagnant des sempiternelles tongs.

Et bien sûr, ce qui frappe d’emblée quand on arrive làbas, le temps. Il semblerait que le climat équatorial ait la propriété de rendre le temps élastique…. Nous avons exploré autour de cette notion du temps, si différente, même si le mode de vie à Java s’est très nettement occidentalisé, il reste que le stress ne semble pas atteindre les javanais qui sont d’ailleurs d’une efficacité remarquable et qui paraissent n’avoir éternellement rien à faire et être toujours disponible pour échanger ou rendre un petit service. L’écoulement vide du temps ou sa plénitude.

Nous nous sommes enfin penchés sur la notion de gestuelle quotidienne, tous ces petits gestes qui constituent notre façon de nous mouvoir en société et qui sont faits de codes culturels dont nous avons parfois perdu conscience.

En commençant le travail artistique, nous avons senti le besoin de faire le lien avec toutes les difficultés inhérentes au montage de ce genre de projet et nous nous sommes amusés à des clins d’œil aux méandres administratifs et à l’affres liés à l’obtention des visas d’entrée en France. Ce prologue au plaisir de la rencontre resitue la pièce dans son contexte politique et donne toute sa force à la rencontre des cultures.

On m’a souvent posé la question du titre. En indonésien « alon » signifie doucement, « alon alon » signifie très doucement. C’est exactement ce que l’occidental remarque dés sa descente de l’avion en terre indonésienne. J’ai ajouté un « e » final pour des questions de phonétique française, est alors apparu « alone », or cette solitude frappe le javanais lorsqu’il atterrit en France comme une première impression indélibile. Le titre du spectacle est au croisement des deux cultures.

Véronique Delarché

Les Interprètes

Véronique Delarché
Véronique Delarché :
Née en 1964. Après des études en océanographie menées parallèlement à une formation en danse, intègre la Cie Epiphane (Jean Masse) en 1987. Bourse d’Etudes Chorégraphique obtenue en 1990, travaille régulièrement avec Jacques Garros, Martin Kravitz, Thierry Baë, Shiro Daïmon et surtout Karin Waehner qu’elle remplace à la Scola Cantorum lors de ses déplacements. Danse dans les Cies Epiphane, Emmanuel Grivet, Kunio Matsumura, Carole Séveno, Théâtre des Oiseaux (Bernard Martin) et crée la Cie l’Imparfait avec Thierry Giannarelli. Une salle de danse avec de l’hébergement a été ouverte par la compagnie en octobre 2005. En 2005, elle crée une pièce pour les danseurs de la Miroto Dance Cy (Java) puis en 2006 « Alon(e) Alon(e) ». Ces deux dernières années, elle travaille en France, en Espagne, en Russie, en Indonésie, au Maroc et en Turquie pour les Cies L’Imparfait et Pendiente (Ana Eulate).
Sudiharto
Sudiharto :
Diplômé de ISI (SMKI), faculté de Danse de Yogyakarta. Danse dans la Miroto Dance Company depuis 1997, tournées en Hollande, en Allemagne et Belgique. Il a participé à des créations de Leyson Ponce (Venezuela), Maxime Heppner (Canada), Wendy Mc Phee (Australie), Janis Brenner (USA), Angela Liong (Singapour), Tony Yap (Australie), Introdans (Hollande), EE Chiang (Singapour). Il a aussi chorégraphié pour des festivals indonésiens (Jakarta, Yogyakarta, Bandung).
Sapto Raharjo
Sapto Raharjo :
Né en 1955 à Jakarta, Sapto est un des plus célèbres musiciens de gamelan de l’île de Java. Il organise le Yogyakarta International Gamelan Festival, dirige la radio nationale Geronimo FM, Secrétaire Général de l’Association des Compositeurs Indonésiens, Consultant de la Fondation Ford, membre du Conseil Artistique de Yogyakarta. Il mêle gamelan contemporain et musique électroacoustique, il a collaboré avec de nombreux musiciens dans le monde (Australie, Allemagne, EtatsUnis, Japon). Pour les français, je citerai André Jaume (Borobudur Suite), Rémi Charmasson (Merapi), Miqueu Montanaro (Java) et Alex Grillo (Katak Katak, Bertanggo).
Alex Grillo
Alex Grillo :
Vibraphoniste et compositeur né en 1956 en Vénétie. Etudie au conservatoire de Nice puis à Pantin avec Gaston Sylvestre. S’est produit avec des musiciens de Jazz et de Musique Improvisée (Steve Lacy, François Jeanneau, Raymond Boni, Bibi Rovère, Didier Malherbe, Barre Phillips, Daunik Lazro, Villarroel’s, etc...) Discographie: "A Table!" en compagnie de Jean Querlier, Michel Godard, JeanLuc Ponthieux et Jacques Mahieux, "Vibraphone Alone", "Couples" et “Triplett” (dist : Harmonia Mundi), “L’Amour tome 1” avec Christine Wodrascka, Didier Petit et Hélène Labarrière pour le label “La nuit transfigurée”, « Mosaïque » et « Dilin Dalan » avec Jean Schwartz et « Momento » avec Christian Sebille. Il est devenu soliste subaquatique pour Michel Redolfi et musiciendanseur sur les "Corps Sonores de la Villette" de Guy Reibel chorégraphie de JC Ramseyer. Création de « 45 minutes for a speaker » de John Cage dans une nouvelle traduction au théâtre des Benardines à Marseille. Concert/lecture de “l’Afrique est en nous” avec le poète Daniel Biga (Nantes, St. Nazaire, La Réunion). Réalise des formes « cabaret poétique » sur des thèmes tels que "La Perte», "La Navigation" , “Le désert“ ou plus marathoniennes comme "L'Amour toute une nuit" avec la compagnie Ilotopie. Trois fois en résidence à Java sur l'invitation des Centres Culturels Français pour travailler avec le gamelan de Sapto Raharjo, puis tournée avec “Samerrah”. Résidence au Caire avec des musiciens traditionnels égyptiens sur le thème des racines.

Partenaires :

  • Conseil Général du Var
  • Mairie de Cabasse
  • SPEDIDAM
  • ADAMI
  • L’Offcina, dansem 2006
  • Consulat d’Indonésie à Marseille
  • Ambassade d’Indonésie à Paris

Programmation :

  • Musique en Patrimoine, ADIAM 83, Cuers
  • Festival Dansem, Marseille
  • Festival des Musiques Insolentes, La Colle de Nouvé
  • Leda Atomica Musiques, Marseille
  • Espace des Arts, le Pradet
  • Concert de soutien à Yogyakarta, MGEM, Marseille
  • Studio le Regard du Cygne en collaboration avec l’Ambassade d’Indonésie (Paris)
  • Centre Culturel Français de Yogyakarta
  • CCF de Jakarta
  • CCF de Surabaya

Actions autour du projet :

  • Conférences démonstrations autour de la culture javanaise et de notre processus de création (Médiathèques d’Aubagne, école de Cabasse)
  • Stage de danse classique javanaise à Nouvé donné par Sudiharto
  • Stage de gamelan à Leda Atomica Musiques, Marseille et une master class à la Cité de la Musique à Paris donnés par Sapto Raharjo
  • Stage de danse contemporaine à Yogyakarta donné par Véronique Delarché